« J'ai voulu percer le mystère de Paris ! »

Actualités - 10 juin 2016

« J’ai voulu percer le mystère de Paris ! »

Devenue parisienne il y a 10 ans, la tokyoïte Kanako Nariyama a créé l’an dernier sa société « d’interior designer », hippK, qui œuvre pour les magasins et, depuis peu, pour les particuliers. Choc des cultures ?  

 

Culture Agencement : Votre culture et votre expérience passée au Japon influencent-elles votre travail et votre vision de l’aménagement ? On pense, par exemple, aux portes coulissantes, démocratisées en Europe depuis quelques années et que le cliché associe au pays du soleil levant…

Kanako Nariyama : « Dans mon travail, je ne fais pas de lien avec mon pays ou ma culture d’origine. Peut-être que les clients, eux, perçoivent une différence quand ils s’adressent à moi, mais pour ma part, je ne me pose pas cette question, je suis moi-même, simplement. De même, je n’applique pas de schémas prédéfinis, j’aime avoir une approche qui se renouvelle à chaque fois en fonction des projets et des clients. Et ces derniers ne sont pas forcément friands de portes coulissantes, pour reprendre cet exemple. Moi-même je n’en suis pas spécialement une amatrice : cela reste un choix fonctionnel qui peut en effet s’appliquer à certains espaces. Vivant à Paris depuis 10 ans, je suis plutôt influencée par la culture et les codes de cette ville. Ce qui m’a séduit dans Paris, c’est sa personnalité, la spécificité de son architecture et le mystère qui l’entoure, contrairement à d’autres grandes villes. Ailleurs, par exemple, le design est plus formaté et “globalisé”, pensé pour s’exporter. Aussi, j’ai le sentiment qu’on peut retrouver les mêmes tendances à Londres qu’à Tokyo de nos jours. Moi, j’ai voulu percer le mystère de Paris ! De plus, au Japon j’ai beaucoup travaillé sur des conceptions de boutiques, de magasins, de lieux publics en général. J’en ai fait aussi en France, mais je commence à travailler sur des projets pour des particuliers. Forcément, l’approche est différente. En fait, ce qui diffère vraiment entre la France et le Japon est que la notion de rénovation n’existe pas vraiment chez les Japonais. Traditionnellement, on casse et on reconstruit plutôt. Aujourd’hui, en France, j’ai l’opportunité de faire de la rénovation et c’est très intéressant.

 

Culture Agencement : Vous vous qualifiez de « créatrice d’espace d’intérieur » plutôt que d’architecte d’intérieur : cette dénomination répond-elle à une vision personnelle de votre métier ?

Kanako Nariyama : En fait, je trouve cela un peu trompeur d’utiliser le terme d’architecte d’intérieur pour définir mon travail car un architecte construit et moi, je ne fais pas de travaux, par exemple, même si, en fonction des chantiers, je peux évidemment sous-traiter. Changer de dénomination, c’est aussi faire comprendre que ce sont deux métiers différents. A l’inverse, je ne me limite pas uniquement à de la décoration d’intérieur. J’opère de façon globale et je prends en charge un projet depuis les dessins et les plans jusqu’à sa réalisation. En ce sens, je me sens plus proche de ce que les Anglo-Saxons appellent les « interior designers ».

 

Culture Agencement : Comment percevez-vous la popularisation de l’aménagement et de l’agencement d’intérieur, au travers des émissions télévisées notamment ?

Kanako Nariyama : Il y a du positif dans le sens où ce genre de programmes permet une sensibilisation du public à une esthétique d’ensemble dans l’intérieur. Aujourd’hui, on privilégie un environnement de vie plus confortable, en osant du changement et en faisant plus souvent appel à des professionnels. Les modes de vie ont changé, l’intérieur est devenu un poste de dépenses important et je pense aussi qu’avant, la rénovation était vue comme un peu trop lourde à gérer. Donc, si ce genre d’émissions peut favoriser la prise d’initiatives, pourquoi pas ? La contrepartie négative est que notre métier peut sembler facile car ces programmes ont tendance à montrer des changements comme s’ils étaient arrivés en un claquement de doigt. Les gens ne s’imaginent pas forcément toute la recherche en amont, la réflexion autour de solutions d’aménagement particulières, bref l’étude qui précède la présentation au client. Il m’arrive parfois de recevoir des prospects qui trouvent les tarifs trop élevés, parce qu’ils n’évaluent ni le temps ni le volume de travail que cela demande. De plus, avec la multitude des grandes surfaces de bricolage, certaines solutions « faites maison » et moins chères semblent la réponse à tout et forcément, en comparaison, notre devis, global, paraît exagéré. Or, nous offrons un vrai service et ne sommes pas sur le même positionnement que ces enseignes. Malheureusement, il y a encore parfois confusion dans l’esprit de certains consommateurs. C’est aussi notre mission en tant que professionnel de l’habitat d’expliquer notre rôle et tout le travail qu’un aménagement personnalisé implique. »

 

Propos recueillis par Vanessa Barbier

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